Lutter contre la menace du stéréotype
Le concept de stéréotype est une notion très connue du grand public. Ainsi nous jugerons plus facilement une personne due à son appartenance à un groupe, à une catégorie, plutôt qu’à l’individu que l’on a en face de nous. La notion de stéréotype renvoie à l’idée de généralisation et d’erreur dans le jugement avec toutes les conséquences que cela engendre et que l’on observera dans la deuxième partie de cet article. Le stéréotype se définit, selon Leyens, Yzerbyt et Schadron, 1994, comme : « un ensemble de croyances partagées à propos des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi des comportements, propres à un groupe de personnes. » Lutter contre les stéréotypes est un combat de chaque instant
Pour en finir avec les clichés !
Lutter contre les stéréotypes : définition globale
Un stéréotype de sexe se caractérise par « la représentation que nous avons de ce qu’est ou doit être un homme ou une femme. C’est l’ensemble de traits de caractères que l’on attribue automatiquement d’une manière rigide aux membres des catégories homme ou femme. Ces stéréotypes, influencent nos perceptions, nos jugements, nos attentes et nos comportements. » Ainsi, chaque groupe d’individus, qu’il soit une fille ou un garçon, a des stéréotypes. En effet, que l’on soit dans le domaine scolaire ou familiale les schémas de pensées sur les stéréotypes filles/garçons sont profondément ancrés, faisant de la mixité scolaire un puissant vecteur de productions des identités du genre. Ainsi les enseignants « jouent parfois sur les comportements sexués » pour « tenir leur classe », comme par exemple on pourra demander aux filles de calmer les garçons parce qu’elles sont considérés plus douces, plus sages. Quant aux garçons ils seront sollicités « pour des tâches spécifiques, demandant par exemple un certain dynamisme » (Duru-Bella, 2008 ; Zaidman, 1996). On appelle cela des habitus stéréotypés inculqué dès l’enfance et qui « genre » le corps, limitant les capacités et l’ouverture, à prendre place en tant qu’individu, homme ou femme, dans le monde. Garçons et filles sont ainsi perçus comme ayant des compétences différentes : les garçons seraient meilleurs dans le domaine scientifique, les filles dans les matières littéraires. Ainsi, les matières scolaires auraient « une représentation sexuée ». De même pour une mauvaise note équivalente, les explications ne seront pas les mêmes ; pour les garçons on dira qu’il y a un manque de travail, sous-entendu qu’il peut faire beaucoup mieux, alors que le manque de compétences sera mis en avant pour les filles.
Malgré les efforts…
Malgré les efforts certains manuels scolaires sont encore stéréotypés. Après une étude faite en Italie en 1971, sur 144 livre, on pouvait remarquer que les garçons étaient associés à la construction de cabanes, à l’exploration, à « aider papa dans le jardin », alors que les filles étaient associées à faire des gâteaux ou à jouer à la poupée. La mère étant représentée à la cuisine, et le père dans le fauteuil à lire le journal. On peut se demander si la situation a évolué depuis les années 70 ? En France, des lois sont apparues pour réduire les inégalités hommes-femmes dans le domaine de l’éducation. Malheureusement les constats sont toujours les mêmes: « la question des rapports entre sexes n’est pas explicitement présente », les protagonistes et les héros sont dans la majorité des cas, des hommes. De plus la femme à la maison et les hommes « au boulot» demeure un « marqueur de genre tres sollicité ». La principale évolution sont au niveau des traits de caractères, par exemple des hommes pourront être doux, affectueux et des femmes très exemplaire et intelligente. Les ouvrages scolaires donne donc une meilleure estime de soi pour les garçons que pour les filles, et participe finalement à la reproduction de la plupart des stéréotypes sur le féminin et le masculin sans que les enseignants en aient conscience (Tisserant, Wagner, 2008), Les garçons sont plus présents dans les grandes écoles (près de 60%) notamment dans les filières scientifiques mais l’on retrouve 75% de filles en 2008 dans les prépas littéraires. Cependant, les filles sont proportionnellement plus nombreuses à poursuivre des études supérieures (60% des diplômés de licence sont des femmes, 55% en master mais seulement 41% en doctorat). Si l’on revient plus à notre sujet, les filles réussissent mieux à l’école que les garçons où l’on remarque que les jeunes filles surmontent leurs difficultés en mathématiques alors que les garçons gardent leurs lacunes en lecture et écriture. Cela s’explique par le fait, que les garçons sont souvent moins scolaires. Une lutte contre les stéréotypes doit être engagée.
Pour conclure
Ainsi un stéréotype de « sexe » se rapporte « à des catégories biologiques de mâle et de femmes » tandis que le « genre » se rapporte « à des catégories plus problématiques de masculins et de féminin » (Maccoby, 1988, Bem, 1989). Ainsi le sexe est fixé à la naissance, mais les « sexe-rôles de genre » doivent s’acquérir. En d’autres termes « l’identité sexuée correspond au sexe biologique et l’identité sexuelle renvoie à l’élaboration psychique que l’enfant fait à partir de son propre sexe anatomique ». Les enfants savent très tôt ce que signifie qu’être un garçon ou une fille dans notre société. Blos en 1988 différencie 2 cas. Dans un premier temps, l’identité du genre où l’enfant sait se reconnaître en tant que fille ou garçon. Dans un deuxième temps, l’identité sexuelle qu’il définit comme: « un système endogène de comportements, d’attitudes, de symbolisations et de significations qui se développent avec la maturation sexuelle et la réorganisation psychique à l’adolescence ». En conclusion et en ouverture de cette partie on pourra dire que cela peut être douloureux pour les individus, car ils ne peuvent pas faire ce qu’ils entendent comme une prédestination. Or un petit garçon a le droit de ne pas aimer le foot, d’être sensible, de préférer lire, et une fille n’est pas obligé d’être dans la séduction. Mais les stéréotypes inhibent ces compétences qui sont autant partagés chez les garçons que chez les filles mais qui selon l’éducation sont réfrénés. Cela entrave l’égalité et l’épanouissement dû à cette différence sexuelle anatomique, alors que tous ces comportements sont genrés et sont le fruit de l’éducation. Le défi de la société dans la lutte contre les stéréotypes passe alors par des réformes juridiques mais aussi une déconstruction du stéréotype qui cloisonne le comportement de chacun dans des cases.
L’impact des stéréotypes
La plupart des gens pense que le système social est juste, ainsi tout ce qui est produit par celui-ci se normalise, et ça notamment dans le domaine des stéréotypes. Ainsi, les membres d’un groupe défavorisés confirmeront un fait qui les pénalise (Jost J.T et Banaji M.R (1994) The role of stereotyping in system justification and the production of false-consciousness, Bristish journal of Social Psychology). Dans ce contexte, « les stéréotypes associés aux différents groupes sociaux reflètent généralement les différences de statut entre eux: les groupes dominants sont perçus comme étant plus compétents que les groupes dominés. » De nombreux exemples accréditent cette thèse comme par exemple les Noirs sont vus comme fainéants, dans le domaine scolaire les filles auraient de plus faibles capacités en mathématiques que les garçons, mais à l’inverse, elles seraient meilleures en français. Ces stéréotypes sont tellement ancrés dans nos sociétés qu’ils ne sont même plus considérés comme des « croyances » mais comme des « faits établis ». On parle de « conceptions essentialistes ». Ainsi on observe que les femmes sont moins présentes dans le domaine des mathématiques à l’université ou encore que les Noirs sont sous-représentés dans les filières universitaires. Les stéréotypes influencent ainsi notre « façon d’entrer en contact avec autrui, de le percevoir, de le juger ».
La menace du stéréotype
La menace du stéréotype se définit : « comme le risque d’être réduits à sa réputation négative » chez la personne stigmatisée. Cela ayant pour effet de diminuer la performance des gens ciblés confirmant ainsi le stéréotype. Par exemple, lors d’une étude menée aux Etats-Unis par Steele et Aronson (1995), des étudiants noirs et blancs ont été soumis à un test. Celui-ci n’a jamais été présenté : « comme une mesure de l’intelligence ». Une série de questions anodines a lieu dans un premier temps sur l’âge, le niveau d’études,… des participants. Et dans certains cas une question supplémentaire sur l’identité raciale était posée. L’hypothèse étant que le simple fait de nommer ses origines pour l’étudiant noir activerait chez lui le stéréotype négatif en lien avec leur groupe social et entrainerait une baisse de performance, non présente chez l’étudiant blanc. Et l’hypothèse fut confirmée. « Il semble donc que c’est bien le stéréotype concernant leur groupe social qui est le détonateur de l’effet de menace chez les étudiants noirs. Spencer, Steele et Quinn, ceux sont eux intéressés à la performance en mathématiques chez les filles. Le test a été mené entre des étudiants masculins et féminins et, de nouveau, les résultats furent en accord avec l’hypothèse lorsqu’on faisait référence au stéréotype dans les consignes. Mais lorsqu’on n’y faisait pas mention femmes et hommes présentaient le même niveau de réussite au test. A noté que les « membres d’un groupe social non stigmatisé, qui n’ont pas internalisé une « angoisse d’infériorité », peuvent aussi être menacés par un stéréotype. Ainsi n’importe qui, à partir du moment où il est stigmatisé peut subir la menace du stéréotype. Bien sûr ceux dont le stéréotype négatif est ancré socialement aura plus d’impact chez ces personnes stigmatisées. Une expérience, que nous ne développerons pas ici, à amener à penser : « qu’il n’était pas nécessaire de croire au stéréotype pour en subir les influences ». Par contre, plus le sujet veut réussir la tâche, plus il échoue. C’est ainsi ce que nous allons étudier dans la partie suivante.
Menace du stéréotype et motivation : Quand l’envie de réussir provoque l’échec
D’après Steele : « la menace du stéréotype concernera principalement les personnes les plus performantes et les plus motivées de leur groupe ». En effet, comment expliquer le fait que les étudiants « noirs » connaissent plus d’échec dans les grandes écoles américaines que les « blancs », alors que l’on peut penser qu’ils sont à la fois très compétents et particulièrement motivés à réussir? Pour répondre à cette question, Aronson et ses collaborateurs ont réalisé une expérience sur des étudiants « blancs» avec une identification des sujets. Et le résultat est étonnant, puisqu’en non-menace, les éléments très compétents aux mathématiques réussissent mieux que les « moyens », alors qu’en situation de menace ce sont les étudiants « moyens » qui réussissent mieux que les très compétents. On pourrait donc penser qu’en position de menace les étudiants moins à l’aise avec les mathématiques ont moins de crainte à confirmer le fait qu’ils sont moins bons puisqu’ils appartiennent à cette réputation négative, ils perdent donc moins leurs moyens que ceux qui sont dit « très compétents » car eux n’ont pas le droit à l’échec puisqu’ils sont censés réussir parfaitement le test. En résumé, la menace pour les « moyens » les dynamise et fait augmenter leur performance, alors que pour les étudiants « très compétents », la pression et la peur les font échouer. « Cette explication reste, encore à ce jour, en partie spéculative. Comment une réputation particulière peut-elle provoquée une modification de performance ? De nombreux processus qualifiés de médiateurs peuvent être à l’origine de ces chutes de performances. Cependant, la question reste encore ouverte, on sait aujourd’hui que l’anxiété est un médiateur (partiel), mais que par exemple l’appréhension d’évaluation ou le sentiment d’efficacité personnelle n’en sont pas.
Comment réduire les effets de menace pour lutter contre les stéréotypes ?
En effet, existe-t-il des procédés pour permettre de réduire les chutes de performances. Plusieurs hypothèses ont été étudiées, la première étant la peur de n’être réduit, pour la personne, qu’à un simple stéréotype négatif, et de ne plus avoir une identité propre. Ainsi, lorsqu’une situation est menaçante, de considérer l’individu comme un être a part entière. L’étude, réalisée par Désert, Leyens, Croizet, Klopfenstein, permettant de tester l’hypothèse est donc la suivante: 2 groupes avec 2 consignes différentes pour des étudiantes femme, une menaçante où on leur rappelle l’infériorité des femmes par rapport aux hommes en mathématiques et une non-menaçante. Au groupe avec la consigne « menaçante » 2 sous-groupes sont créés : le premier, on demandait aux étudiantes d’écrire « une description d’elles-mêmes qui soit centrée sur leurs caractéristiques propres en tant qu’individus ». Au deuxième pas de description était demandé. Et le résultat fut sans appel, le premier sous-groupe n’a pas subi la pression du stéréotype car elles ont montré un « niveau de performance égale à celui des participantes non-menacées. »
Ainsi,
Cette étude montre que la menace du stéréotype n’est pas une fatalité et que c’est la peur de confirmer et de se le voir appliqué à soi-même qui provoque la chute de performance. Ainsi même si certains stéréotypes sont établis dans nos sociétés, l’individu en lui-même faisant parti de celui-ci peut le contester. Steele (1997) a montré que la menace du stéréotype pouvait engendrer une diminution de l’estime de soi, sauf si la personne « peut accéder à d’autres conceptions de soi, positives cette fois ». Comme par exemple, si autrui dit que l’on est mauvais dans un domaine (comme le chant) mais que l’on est un élément essentiel dans son équipe de football alors la critique sera moins douloureuse. Une étude a alors été mené pour savoir si « les effets de la menace du stéréotype sur la performance pourraient être contrecarrés » si des personnes pouvaient s’auto-congratuler avant la réalisation d’une tâche intellectuelle. Cela a été mené sur des étudiants de « statuts socio-économiques » (SSE) différents pour résoudre des problèmes en langue (Croizet. 2003). Ainsi avant d’afficher les conditions menaçantes ou non certains des sujets devaient s’exprimer sur des loisirs où ils se sentaient à l’aise permettant ainsi de leur donner une image positive d’eux-mêmes. Et les tests confirmèrent l’hypothèse. En effet, le fait de « s’auto-affirmer » sur un domaine qui n’est pas relié à la situation menaçante limite la chute des performances. Ainsi pour conclure on peut dire que les 2 stratégies qui ont été décrites permettent de réduire les effets néfastes de la menace du stéréotype sur les chutes des performances.
« La pertinence sociale de la menace du stéréotype »
On se consacre dans cette partie à la réussite scolaire entre les groupes sociaux. Or, qu’une seule étude montre les effets positifs d’un programme scolaire basé « non pas sur la stigmatisation d’élèves en difficulté au travers d’un programme de remédiation qui les catégorise comme élèves faibles ou à problème, mais plutôt sur un programme de prévention, appelé stratégie « sage » ». Cette étude a été menée par Steele, Spencer et leurs partenaires sur des étudiants de première année à l’Université de Michigan. Le but était donc de réduire la menace du stéréotype de 3 manières : la première étant de rassurer positivement l’élève sur ses compétences, le deuxième point était de se réunir souvent pour apprendre à se connaître, et parler de ce qui n’allait pas et des problèmes rencontrés, une sorte de mini conseil de classe, et enfin en poussant les élèves à aller plus loin et à approfondir des notions vues en classe. Tout cela pour montrer que les enseignants avaient confiance en eux et en leurs réussites et qu’ils étaient là pour eux. Et au bout de 4 ans d’études les résultats ont été probants notamment pour les personnes victimes de stéréotypes aux Etats-Unis (les noirs) car on note une meilleure performance que ceux qui n’ont pas suivi l’étude. Cette étude montre ainsi « la pertinence sociale de la théorie de la menace du stéréotype, en ce sens qu’elle permet d’inférer des stratégies qui, sur le terrain, amènent une amélioration des performances des cibles du stéréotypes ». Donc l’environnement social a donc un impact sur la performance scolaire de l’élève ce qui peut être très intéressant à savoir notamment dans la réalisation de mon mémoire (si l’enseignant est un homme ou une femme). En conclusion globale, la menace du stéréotype est donc fortement présente dans le domaine scolaire et encore peu d’études ont été mené sur ce sujet, la question mérite donc d’être soulevée et continuer la lutte contre les stéréotypes.
Sources : Jean Claude CROIZET, Jacques-Philippe LEYENS, Mauvaises réputations : réalités et enjeux de la stigmatisation sociale / Richard Y. Bourhis, Jacques-Philippe Leyens, Stéréotypes, discriminations et relations intergroupes (Ed. MARDAGA) / Christine GUIONNET, Erik NEVEU, FEMINIS/MASCULINS sociologie du genre (Ed. ARMAND COLIN) Stéréotypes de genre. / Vidéo canopé, les stéréotypes de genre, https://www.reseau-canope.fr/corpus/video/les-stereotypes-de-genre-110.html